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Ancienne usine Francolor/Yorkshire

Totalement oublié du patrimoine numérique de Oissel, ce court-métrage – petit chef d’œuvre – d’Alain Resnais, était exhumé en 2011 par Julien Soudet, jeune cinéaste, et projeté en amont de son film « Le Bâtiment 17 ».

Le film d’A. Resnais est une « commande de l’Institut National de la Recherche sur la Sécurité sur la prévention des maladies professionnelles. Tourné en 1957 dans l’usine Francolor d’Oissel, ce documentaire prend des airs d’enquête scientifique pour découvrir le mal mystérieux dont souffre un ouvrier. »filmsdocumentaires.com

Source : Oissel.net

L’histoire, de 1916 à 2005…
En janvier 1916, les autorités françaises, qui doivent faire face à des demandes toujours plus importantes de munitions, décident de fonder une nouvelle poudrerie à Oissel. Celle-ci est particu­lièrement destinée à la production de mélinite, poudre explosive constituant le chargement intérieur de certains obus. les premiers travaux de construction de la nouvelle usine débutent en avril 1916. Rapidement après son démarrage, celle-ci fournit déjà 10% de la mélinite et 16% du phénol produit en France entrant dans la composition d’explosifs. Au mois d’août 1918, l’usine, qui demeure stratégique pour l’effort de guerre, fait l’objet de bombarde­ments allemands sans que ceux-ci ne parviennent à en stopper la production. Un mois après l’armistice du 11 novembre 1918, l’établissement qui a employé jusqu’à 1 500 salariés dont 600 chinois cesse complètement sa production de poudre.
Loin de le laisser dans l’embarras, cette décision marque le démar­rage d’une nouvelle phase de son activité. Il était prévu dès sa construction, que l’usine, au jour de l’arrêt de sa production d’ex­plosifs, se consacrerait à la production de matières colorantes. En effet, jusqu’à la guerre de 1914-1918, le marché mondial des matières colorantes est très largement dominé par l’Allemagne. Le déclenchement du conflit et l’arrêt des échanges avec ce pays qui s’ensuit, incite le gouvernement français à stimuler l’essor d’une industrie nationale des matières colorantes. En février 1916, une commission interministérielle se met en place pour travailler dans ce sens. Rapidement, le Syndicat National des Matières Colorantes et Produits Chimiques voit le jour et réussit à motiver industriels et négociants pour se regrouper au sein d’une com­pagnie capable de financer l’installation d’usines de productions de matières colorantes. Fondée le 31 janvier 1917, la Compagnie Nationale des Matières Colorantes et Produits Chimiques au capital de quarante millions de francs, présidée par René Masse, finance la construction de deux centres de production à Nogent-sur-Marne dans le Val-de-Marne et Villers-Saint-Paul, près de Creil, dans l’Oise.
 
Au lendemain de l’Armistice, il est décidé de créer un troisième site de production. La Compagnie Nationale des Matières Colo­rantes et Produits Chimiques obtient en 1919, du gouvernement français, l’autorisation de prendre possession des installations de la poudrerie de Oissel. L’usine qui s’étend sur un terrain de 220 hectares et qui possède 73 120 m2 de bâtiments couverts, est située à Oissel entre la Seine et les voies ferrées de la ligne Rouen-Paris. Du point de vue de son outillage, celle-ci est dotée des installations nécessaires au traitement de la benzine, du toluène, de la naphtaline et des acides minéraux entrant dans la compo­sition des colorants azoïques et autres matières intermédiaires. Si l’usine exploite elle-même une partie de sa production, le reste est envoyé à d’autres établissements français de produits colo­rants, mais également à l’étranger. À son démarrage, la direction de l’usine est confiée à Laurent Élie, ingénieur de l’École supérieure de chimie industrielle de Lyon.
En 1923, la Compagnie Nationale des Matières Colorantes et Produits Chimiques fusionne avec les établissements chimiques français Kuhlmann, ce qui lui permet d’exploiter dorénavant des brevets allemands de fabrication de colorants artificiels obtenus comme dommages de guerre. Le passage dans le giron de ce géant de la chimie française s’accompagne d’investissements pour renforcer le potentiel de production de l’usine de Oissel. En 1935, on commence à étudier le transfert de l’ensemble des ateliers sur un site plus proche de la Seine afin de faciliter leur desserte par le fleuve et sur lequel il sera plus facile de les agrandir ultérieu­rement. Mais le déclenchement de la seconde guerre mondiale va contraindre l’entreprise à ajourner son projet.
En 1938, l’usine emploie plus de 100 chimistes et ingénieurs et plus de 1 500 ouvriers. À cette date, celle-ci fait l’objet d’importants travaux afin de la doter de tous les moyens nécessaires à la mise en œuvre d’une chimie organique moderne, capable de prendre en compte tous les derniers progrès intervenus dans ce domaine. Suite à la déclaration de guerre avec l’Allemagne en septembre 1939, l’établissement renoue avec les activités à l’origine de sa création et consacre une partie de sa production à la fabrication d’explosifs du type mélinite.
 
En décembre 1941, les usines de Villers-Saint-Paul et de Oissel sont regroupées avec celles de la Société des Matières Colorantes de Saint-Denis et de la Compagnie Française de Saint-Clair-du-Rhône qui appartiennent également à la société Kulhmann, pour former la société anonyme Francolor dont 51% des 800 millions de francs du capital sont détenus par l’Allemagne. Durant l’Occupation, l’usine osselienne est mise à contribution pour la fourniture de différents produits à usages militaires destinés à l’armée allemande : dinitrobenzène, dinitrochlorobenzène, mononitrophtalène. L’usine va en particulier fabriquer un produit spécial anti-corrosif pour la protection des moteurs d’avion de la Luftwaffe. De par l’impor­tance de son rôle pour l’Occupant, l’usine fait l’objet de plusieurs sabotages de la part de la Résistance permettant de freiner la production.
Dans les années d’après-guerre, l’activité de l’usine se répartit en deux grands groupes : la fabrication de près de 250 produits chimiques de synthèse différents qui entrent dans l’élaboration des matières colorantes et la fabrication de plusieurs centaines de colorants azoïques. Ces activités sont complétées par la pro­duction de phénol synthétique, de tanins artificiels, d’auxiliaires de teinture et d’apprêt, de naphtazol et de bases solides.
Durant cette période, la production annuelle oscille de 8 à 10 000 tonnes de produits intermédiaires et 4 000 tonnes de matières colorantes dont l’exportation représente, en 1948, 3 milliards de francs. L’établissement occupe alors 1 800 personnes répar­ties entre 1 440 ouvriers, 285 agents de maîtrise et employés, 75 ingénieurs et ingénieurs chimistes.
Les projets de déplacement et d’agrandissement de l’usine, aban­donnés au moment de la guerre, sont remis à l’ordre du jour au début des années 1950. Parmi les travaux menés, le déplacement en 1956 du magasin aux produits finis, construit en 1927 en béton armé, vers les nouveaux ateliers installés plus près de la Seine, constitue un événement éminemment spectaculaire. Ce bâtiment de 100 m de long sur 20 m de large et comportant quatre niveaux est en effet déplacé, vers son nouvel emplacement, à l’aide de rails, sur une distance de 750 m. Moins médiatisé, le creusement dans la rive d’un port privé pour la desserte de l’usine par les péniches, illustre bien la volonté des responsables de l’usine de doter celle-ci d’un maximum d’atouts pour son développement. Durant les années 1960, l’établissement se livre à un renforce­ment de ses installations par la construction de cinq bâtiments supplémentaires qui permettent la mise en fabrication de nouveaux produits qui s’ajoutent à une liste de plus de 1 500 produits organiques de synthèse.
 
La décennie 1960 est marquée, sur le plan industriel, par la fusion en 1966 du groupe Kuhlmann, avec l’entreprise d’électro-chimie Ugine pour former le groupe Ugine-Kuhlmann sans que cela ne remette en cause l’activité de l’établissement de Oissel qui atteint 6 000 tonnes de colorants par an. Au début des années 1970, le nombre des salariés passe sous la barre du millier alors que celui-ci avait frôlé les 2 000 à la fin des années 1940. Cette diminution importante illustre les efforts menés durant les années 1950-1960 pour améliorer le rendement de l’usine qui a, de fait, moins besoin de main-d’oeuvre ouvrière, mais proportionnellement plus de cadres et de techniciens.
L’année 1971 est marquée par la fusion d’Ugine-Kuhlmann avec le groupe Pechiney pour devenir Pechiney-Ugine-Kuhlmann (PUK). Ce mariage donne ainsi naissance au premier groupe industriel privé du pays présent dans la sidérurgie, la chimie et le nucléaire. Cependant, à partir de 1974, ce géant industriel français connaît de graves difficultés financières provoquées par les remous du choc pétrolier de 1973. Décidé à le sauver, l’État nationalise le groupe en 1981 et finance sa restructuration, mais réclame en contrepartie son démantèlement. En 1983, l’entreprise Francolor qui n’emploie plus que 880 salariés est dénationalisée afin d’être vendue au groupe britannique ICI (Imperial Chimical Industries), quatrième entreprise chimique mondiale. Malgré ce changement de propriétaire, les finances de l’établissement chimique de Oissel connaissent d’importantes difficultés qui ne peuvent être réglées que par une réduction des ses effectifs en 1985 qui voit le départ de 156 salariés. Malgré cette purge, l’usine demeure la plus impor­tante de Oissel et reste le leader français de la production de colorants industriels et de pigments pour encre d’imprimerie. Après les bouleversements des années 1980, le début de la décen­nie suivante est marqué, pour l’entreprise, par une baisse de son activité consécutive à une diminution de la demande de produits colorants en France. Pour faire face à cette difficulté, la direction d’ICI Francolor procède à une nouvelle vague de licenciements au printemps 1991 (la cinquième depuis 1983). Mais la restructuration de l’usine ne se limite pas à la seule réduction du nombre de salariés. Afin d’améliorer la rentabilité des activités, le groupe ICI décide, à la fin de l’année 1991, de scinder en deux le site de Oissel. En 1992, les ateliers où sont fabriqués les colorants textiles, sont vendus au groupe américain Crompton and Knowles Cor­poration. Avec son siège social basé dans le Connecticut, cette société qui pèse 2,3 milliards de francs emploie 2 300 ouvriers répartis dans ses cinq usines américaines et son usine belge.
la seconde partie de l’usine, spécialisée dans la production des pigments organiques entrant dans la composition des encres d’im­primerie, des peintures et la coloration des matières plastiques, est cédée le 1er janvier 1993, à la société Francolor Pigments {1}. Celle-ci est une filiale du groupe japonais Toyo Ink, leader dans le domaine des pigments à forte valeur ajoutée et employant 6 000 salariés dans le monde.
En juin 2000, le groupe Crompton and Knowles cède à son tour l’usine à la société britannique Yorkshire Leeds France, 4e produc­teur mondial de colorants organiques spécialisé dans la fabrica­tion de colorants pour cuir, textile et papier. Cependant, au début des années 2000, le groupe Yorkshire Leeds est confronté à un problème de surcapacité de production et à un renforcement de la concurrence asiatique, en particulier de l’Inde et de la Chine. Face à cette situation, la multinationale décide de réduire ses frais en fermant certains de ses sites comme ceux de Tertre en Belgique et Leeds en Angleterre. Malgré cette mesure, l’entreprise ne peut éviter sa mise en liquidation, le 23 octobre 2003, qui s’accompagne de l’abandon de l’usine de Oissel. Face à l’effacement du groupe Yorkshire et faute de pouvoir améliorer sa propre situation, l’usine de Oissel est mise en liquidation en février 2005, laissant 174 salariés au chômage.
{1} L’entreprise s’appelle dorénavant Toyo lnk Europe Specialty Chemicals et emploie plus de 200 salariés. En 2005-2007, près de quinze millions d’euros ont été injectés pour moderniser l’appareil de production afin d’orienter la fabrication vers les pigments de haute performance.